Elle pénétra lentement dans la pièce. Ses pas étaient lents, presque automatiques. Seuls le bruit brut de ses talons sur le sol résonnait. Sa respiration était profonde, lente. Elle était comme suspendue dans l'air. Une douce chaleur en elle s'installa depuis qu'elle avait gravi les marches de cet immeuble. Au fur et à mesure que les étages se succédaient, son coeur se mettait à s'emballer.
Elle n'était pas essoufflée, elle était juste impatiente et tremblante de rencontrer cet homme qui l'attirait dans sa toile depuis maintenant près de quatre mois. Qui était-il? Elle n'en savait rien, elle avait échangé quelque fois sur la toile avec lui, quelques mails, jamais de messagerie instantanée. Elle ne connaissait même pas sa voix. Et pourtant en ce crépuscule d'octobre elle montait vers cette pièce telle une femme sous influence.
La pièce était plongée dans une douce pénombre. Juste quelques lumières basse tension dans les quatre coins de la pièce, et cette odeur du musc qui vint s'envelopper à elle. Son bas ventre palpitait, ses tempes carillonnaient. Elle avait l'impression que le désert s'était installé dans sa bouche tellement elle était sèche. Elle si sûre d'elle se trouvait telle une débutante. Presque fébrile. Elle sentait un courant d'air sur ses jambes nues, tel qu'il lui avait demandé. Ce simple souffle sur elle la fit frissonner, mais de ceux qui vous donnent chaud plutôt que froid.
Elle écoutait le silence, elle cherchait le moindre souffle, le moindre bruit mais rien ne vint. Elle était seule dans cette pièce et pourtant elle le sentait presque là, tout près, si près. Elle remarqua le cercle au sol, comme prévu, tracé à la craie blanche. Tel qu'il lui avait indiqué elle alla se placer en son centre.
Listen.
Elle tendit l'oreille et son murmure arriva à son oreille. Elle sentit son être s'enflammer. Elle savait qu'elle serait marionnette ce soir. Elle l'avait accepté. Elle n'avait pas signé en bas de la page, elle n'avait rien signé, elle avait juste accepté cette rencontre. Ses mots. Ses mots elle voulaient les entendre, elle voulait les sentir, elle voulait s'en imprégner.
Listen.
Elle l'entendit lui demander d'ôter sa veste. Elle obéit docilement. Ses doigts tremblés sur les boutons de sa veste longue, qu'elle laissa choir sur le sol. Ses épaules étaient dénudées. Ses reins s'offraient au doux courant d'air, dont elle ne trouvait pas l'origine.
Listen.
Elle suspendait sa respiration comme si ses expirations pouvaient couvrir le son de sa voix sombre et basse. Au rythme de sa voix, ses mains glissèrent sur son ventre nu, remontant sous ses seins, ses doigts maintenant venant effleurer ses tétons tendus. Sa tête se bascula en arrière, alors qu'elle sentait ce souffle froid mordre sa peau après le passage brûlant de ses doigts, de ses mains. Elle passa ses mains sur son cou, et arrivant à sa nuque libéra alors ses cheveux.
Listen.
Ses mains dociles reprirent le même chemin en sens inverse. Son ventre se creus ait au fur et à mesure que ses mains dessinaient ses courbes, enflammaient sa peau. Arrivant sur ses hanches, ses doigts glissèrent sous l'élastique de son shorty, unique parure à sa nudité. Elle se mordit la lèvre inférieure, lorsque ses doigts trouvèrent la lisière de son antre brûlante.
Listen.
Elle s'agenouilla, les jambes légèrement écartées, et la pierre non lisse sur ses genoux lui fit plisser les yeux. Ses doigts commencèrent leurs ballets orgasmiques. Ce souffle toujours présent sur sa peau, la caressant et la faisant s'élever au fur et à mesure que la moiteur de son envie humidifiait ses doigts.
Listen.
Sa bouche maintenant s'entrouvrait. Et elle l'entendit. Ce souffle vint se poser sur ses doigts, sur ses seins, ses reins se cambrèrent un peu plus. Le plaisir l'enveloppait. Elle sentait son corps lui échapper totalement. Seule cette voix venue de nulle part, seul ce souffle d'on ne sait où la transporter. Son corps se tendait et déjà ses doigts la pénétrèrent dans un soupir rauque et profond. Le plaisir venait cogner entre ses tempes. Ses cuisses s'écartèrent un peu plus.
Listen.
L'accélération de la douce musique à ses oreilles la faisait haleter doucement. Ses soupirs résonnaient dans cette pièce immense et vide. Quel spectacle! Sa peau laiteuse en contraste avec la grisaille de la pierre, ainsi que le sombre de cette pièce au milieu de ce cercle de craie blanche. Déconcertante scène qui pourrait être obscène de cette femme seule, s'adonnant au plus vieux plaisir du monde, cette voix en elle, cette voix sur elle, cette voix qui résonnait sur sa peau.
Listen.
L'avalanche des sens la submergeait. L'avalanche de plaisirs diffus sur sa peau. L'avalanche de sa propre envie sur ses doigts, ce feu à ses joues, ce feu à son ventre, ce feu à son âme. Les spasmes envahissaient son bas ventre, mais elle n'était déjà plus là. Elle était détachée de cette matière. Elle n'était que plaisir, que soupirs, que râles profonds. Elle ne pensait à rien, elle ne suivait que le fil conducteur de cette voix sourde à son oreille.
Listen.
Elle l'entendait comme s'il entrait en elle, comme si elle sentait sa puissance sa force la pénétrer, l'envahir. Tous ses orifices étaient en alerte, ses seins se tendaient à lui en faire mal, ses reins se cambrer à en être obscène. Elle ne pouvait plus s'arrêter, elle n'avait même plus conscience de la cadence de ses doigts, de la frénésie de son envie, de la fulgurance de son désir. Juste ce souffle qui l'enflammait encore et toujours, qui la pénétrait par chaque pore de sa peau, par chaque orifice de son corps. Elle suffoquait. Elle sentait cette vague indicible monter, et n'arrivait à la réfréner, à la retenir. Elle se tortillait, ondulait soumise à cette voix qui tirait chaque fil de son être, chaque fil de sa jouissance...
Listen...
Comme elle jouit de ce cri rauque et sourd venu du plus profond de ses entrailles, de son ventre...
Listen...
Comme son corps céda sous la puissance de ce souffle.
Listen...
Comme son corps se laissa choir sur le sol de pierres brutes. Sa respiration saccadée. Ses larmes roulant doucement sur ses joues en feu.
Listen...
Comme elle vit...